27/ Suite à la question n° 3 de Emmanuel : au sujet d’une fédération officielle des arts martiaux vietnamiens et de votre scepticisme relatif au maintien, par cette éventuelle fédération, d’une pratique traditionnelle, pouvez-vous s’il vous plaît expliquer votre scepticisme ? Merci par avance.
Noé
La pratique de l’art dans l’esprit traditionnel doit permettre « aux mille fleurs » de s’épanouir, c’est-à-dire de favoriser l’épanouissement de chaque pratiquant au travers de sa pratique.
Chaque pratiquant est un individu différent. Chacun a sa sensibilité, sa personnalité, son tempérament, sa constitution. Les êtres diffèrent par leur nature et leurs aptitudes naturelles ne sont pas les mêmes. A cette originalité individuelle doit convenir la pratique de l’art correspondante, ce qui induit des styles et des méthodes d’apprentissage forts différents, qui assurent à chacun le libre exercice de ses aptitudes naturelles et leur libre développement (c’est là, avec les lignées familiales, culturelles et géographiques, les raisons principales de la diversité et de la multiplicité des styles que l’on peut rencontrer aujourd’hui et du maintien de leur existence. Cette diversité n'est pas un signe de faiblesse ou de dissension, mais plutôt une réponse à l'extrême diversité des attentes de chacun).
Ceci est conforme à la nature des choses.
Une fédération est un système au profil unique qui établit l’uniformité et supprime les différences, qui veut s’appliquer à tous ses ressortissants sans tenir compte de la particularité des individualités. Les raisons et idéaux qui motivent les dirigeants peuvent être tout à fait admirables, et ceux-ci souhaitent la plupart du temps voir les autres jouir de ce qui a été bon pour eux. Cette bonne intention, qui est leur, rend cependant la situation tragique pour tous ceux pour qui la règle et les codes fédéraux ne conviennent pas. A cette bonne intention se rajoute aussi le fait que tout un chacun n’a généralement pas conscience du caractère limité de son point de vue et considère invariablement sa propre opinion comme juste et celles des autres comme erronées.
Comme le dit l’adage : « l’eau est la vie du poisson mais la mort de l’homme. Puisqu’ils sont différemment constitués, ce qui leur plaît et ce qui leur déplaît diffère nécessairement. C’est pourquoi les sages anciens ne rendaient pas uniformes les aptitudes et les occupations ». De même le milieu fédéral et ce qu’il implique convient à certains mais pas à tous.
Devenue officielle et imposée, cette fédération devient le seul cadre d’évolution auquel tout le monde doit se conformer, qu’il convienne ou pas à la nature de chacun. Un seul profil uniforme de pratique s’impose et se standardise au détriment des individualités enfermées dans un milieu qui n’est pas le leur. Ce qui est naturel et spontané chez elles est alors changé en quelque chose d’artificiel. Cela revient à « allonger les pattes du canard et raccourcir celles de la grue » pour qu’il n’existe qu’une seule longueur de pattes.
Ceci n’est pas conforme à la nature des choses.
L’art est une voie d’évolution et de réalisation personnelle que chacun trace par sa pratique à partir de sa nature propre, dans le style et le cadre qui lui sont appropriés.
F. Fournier
Accueil